Pit pratique

Publié le par Tibère

Aujourd'hui, fiche pratique : comment réagir face à un pit-bull qui vous regarde fixement dans un train de nuit ?

Bon, je vais pas vous faire un dessin, vous connaissez l'animal. Mais je suis sûr que vous n'avez aucune idée de comment se comporter face à celui que l'on considère comme le plus terrible carnassier de cette fin de quaternaire, aussi appelé la bête de Livry-Gargan ou encore le cauchemard des mémères.

Bien. Imaginez donc : vous êtes dans un train de nuit qui vous ramène de Bourg-Saint-Maurice où vous avez passé une semaine à skier comme un glandu, persuadé que la vraie vie c'est ça, monter, descendre, monter, descendre. Vous êtes con mais content de vos vacances et c'est bien ce compte après tout.

Dans votre compartiment plongé dans une demi-pénombre, trois neo-punks à l'air complètement débile, dont peut-être une femelle mais vous ne sauriez en être sûr, ont déjà colonisé la place du haut que pourtant vous aviez réservée. Par humanité, et parce que vous n'avez pas les couilles, vous vous êtes installé en bas sans broncher. Vous êtes bien décidé à vous laisser bercer nonchalament afin de sombrer au plus vite dans un sommeil sans histoire. A ce moment, le playboy de restau d'altitude qui, hier encore, se la pétait grave avec sa combinaison oxbow fluo n'est déjà plus qu'un vague souvenir.

Tout à coup, alors que le train s'est déjà ébranlé dans la nuit alpine, vous sentez qu'il y a un problème : des secousses agitent la couchette au dessus de vous. Vous ne voyez rien mais vous savez qu'une lutte est engagée, qu'une tragédie est en train de se nouer. Et vous avez raison.

Au terme d'un combat acharné émaillé de grognements inhumains, vous comprenez que vous n'êtes plus seul à occuper le rez-de-chaussée de la cabine : Kurt vient de se faire chasser de la couchette de son maître et s'apprête à passer la nuit à même le plancher ou, mieux, sur la couchette d'en face restée inoccupée.

Kurt, c'est un pit bull d'environ 35 kilos. Votre tête est à 35 centimètres de la sienne, vous êtes ligoté dans votre sac à viande SNCF.



Conseil n°1 : Restez calme. Ce n'est qu'un chien après tout. Certes les dealers de crack aiment beaucoup cette race mais ça ne veut rien dire. Respirez lentement.

 
Finalement, plus de peur que de mal : Kurt avise la couchette libre et s'y installe, visiblement attristé par son éviction. Il semble décidé à s'assoupir. Il va falloir utiliser ce répit intelligemment. Il vient de lacher une caisse, ça veut dire qu'il dort.

Conseil n°2 : Extirpez-vous doucement de votre drap et enfilez une combinaison molletonnée spécialement conçue pour le dressage de chiens de combat. A défaut, utilisez votre combi oxbow.

 Ca y est. Vous vous sentez déjà plus en sécurité. Mais ce n'est que très relatif. Avec ses crocs, l'engin est capable de déchiquetter un gilet pare-balles en kevlar. Avec son problème intestinal vous risquez des dommages neurologiques. Restez vigilant.

Conseil n°3 : Placez un mouchoir humide sur votre visage.

 La situation semble se stabiliser. Courage, il ne reste plus que six heures à tenir. Kurt dort toujours, il flatule de plus belle, vous réhumidifiez régulièrement votre mouchoir. Vous crevez de chaud. Vous finissez par errer dans un demi-sommeil. Par moments, vous délirez. Heureusement, l'odeur vous réveille à intervalle régulier.

Après cinq heures d'enfer, la phase la plus sensible se profile : le jour se lève et vous voyez Kurt commencer à s'agiter. Epuisé, vous sombrez pour de bon. Vous êtes désormais à sa merci, vous n'avez plus la force de lutter.

Conseil n°4 : Essayez de rêver de Dieu ou du salut éternel.

 
Kurt est maintenant à vos côtés, son souffle lourd vous caresse la joue, sa truffe humide renifle votre visage. Vous êtes au bout du chemin. Ses petits yeux vides d'expression vous fixent, vous pensez qu'il va vous égorger. C'est une hypothèse réaliste.

Conseil n°5 : Sortez le revolver de votre moon boot et abattez-le sur le champ. Si vous ne disposez pas d'arme de poing : ne bougez plus.

 Fausse alerte. Au bout de dix minutes, le molosse a semble-t-il décidé de vous épargner. Une lueur affectueuse se dessine soudain dans ses yeux. Il se hisse sur votre couchette et s'installe près de vous. Vous remarquez qu'il est affecté d'une sévère trique matinale. Il pose sa grosse tête sur votre abdomen. Dans une petite demi-heure, vous serez à Gare de Lyon.

Félicitations, vous êtes presque sauvé.

Publié dans Pratik

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J
effectivement, rien à dire...<br />
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K
fais une version imprimable format voyage, indispensable
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